Donner un visage humain à votre marque, la fausse bonne idée ?

par | Publié le 03/04/2025 | Branding

« I bought this before Elon went crazy ».
Sur les routes américaines* (et même en France), si vous croisez une Tesla il y a des chances que vous tombiez sur ce sticker. Ou ses équilvalents « j’aime la voiture, pas le CEO », « Anti Elon, Tesla Club », « Shut Up Elon », etc.

Les prises de positions d’Elon Musk depuis le rachat de Twitter ou son rapprochement avec Donald Trump ont sérieusement plombé la réputation du constructeur automobile.
Comme quoi, passer du statut de visionnaire à celui de réac (voire pire) sembler coûter cher à Tesla. Il n’y a qu’à regarder la chute des immatriculations en Europe.

Bien évidemment, ceci nous interroge.
Et si, finalement, la personnification de marque n’était pas une bonne idée ?

Quand le PDG nuit à l'image de marque

La personnification de marque : pourquoi ça séduit tant ?

Pour une entreprise, associer sa marque à une figure humaine est une stratégie puissante et régulièrement utilisée. D’abord parce que c’est un excellent moyen de créer une connexion émotionnelle avec le public. Nous sommes bien plus enclins à faire confiance à une personne qu’à une entité abstraite. Et en attribuant un visage à une marque, on peut facilement l’identifier et s’identifier à la marque.

La personnification de marque crée une connexion émotionnelle avec le public

La personnification de marque est un attribut qui permet de créer une identité de marque forte et reconnaissable.
Apple, Chanel, Louboutin, Afflelou, Dessange, Goutal, Provost, Facebook, Free, Leclerc…

Ce qu’on aime dans les marques incarnées ? Un ou plusieurs traits de la personnalité qui les incarne.

On aime Louboutin pour son génie créatif. Les femmes voulaient s’habiller en Chanel car elles voulaient casser les codes, comme Gabrielle.
Et parce que ça fait bientôt 20 ans qu’il est le visage des petites capsules de café, on achète Nespresso parce que George Clooney incarne parfaitement l’élégance et le raffinement, des valeurs en adéquation avec le positionnement haut de gamme de la marque.

Bref. Quand le héros plait, la marque aura tendance à intéresser et attirer plus facilement les consommateurs.

Quand la marque emprunte le capital confiance et l’expertise d’une personnalité

Associer une personne reconnue et appréciée à une marque lui permet de gagner rapidement en notoriété et crédibilité.

L’immobilier et Stéphane Plaza

Grâce son image d’agent immobilier sympathique et accessible, Stéphane Plaza permis à M6 de développer la franchise éponyme qui s’est rapidement positionnée comme un leader du secteur. Le public a fait confiance à la marque car il associe Stéphane Plaza à l’expertise immobilière et l’honnêteté. Bref, la marque personnelle (personal branding) de Stéphane Plaza est directement associée à la franchise.

Emmaüs et l’Abbé Pierre

Emmaüs doit une grande partie de sa notoriété et de sa crédibilité à l’image de l’Abbé Pierre. Son engagement en faveur des plus démunis a rendu l’association incontournable. Emmaüs a obtenu un soutien massif du public, des dons et une reconnaissance durable.

Tesla et Musk : une personnification de marque poussée à l’extrême

Qu’on se le dise, Tesla est l’un des rares constructeurs automobiles dont le PDG est plus connu que la marque elle-même. Elon Musk, par son charisme et ses prises de parole spectaculaires, a su incarner l’innovation et la vision futuriste de Tesla. Ce « héros » technologique et visionnaire renforce l’attachement émotionnel des fans de Tesla.

Des personnalités clivantes pour favoriser la polarisation de la marque

Dans certains cas, lorsque la personnalité choisie pour représenter la marque divise le public, il va se créer un « effet de polarisation ».
Adorées ou détestées, ces marques vont bénéficier de l’amour ou la haine qu’inspire au public la personnalité qui les incarne.

Je dis bien bénéficier car une marque clivante n’est pas nécessairement une mauvaise chose.
En effet, elle va susciter beaucoup plus d’émotions auprès du public qu’une marque lisse et uniforme.
C’est une marque dont on va parler et qui va naturellement créer beaucoup d’engagement. En effet, le clivage va appuyer sur des antagonismes déjà à vif : il y aura de l’affrontement entre les défenseurs et les détracteurs de la marque.
Et dans certains cas, cette stratégie s’avèrera payante.

La polarisation assumée

C’est bien évidement le cas de Donald Trump, figure emblématique de la Trump Organization qui englobe hôtels, immeubles, vignobles, terrains de golf, et autres produits dérivés.
Ses idées radicales et ses prises de positions tranchées ont polarisé le public.
Après son premier mandat et l’assaut du Capitole, la marque Trump était considérée comme « toxique ». Assimilée au chaos, au racisme et la misogynie.
De nombreux contrats juteux avec la firme ont été annulés pour éviter à certaines organisations d’associer leur nom à celui du Président américain (ex : l’exploitation des attractions de Central Park, l’annulation du championnat de golf PGA 2022 au Trump Bedminster).

Mais malgré le boycott, sa base de partisans fidèles a soutenu les produits et services de la Trump Organization, compensant le manque à gagner.

Chercher volontairement le désamour de ses détracteurs

Quand l’offre Free a été lancée, Xavier Niel s’est présenté comme l’homme qui allait révolutionner le secteur des telecoms.
Avec des offres aux tarifs exorbitants pour le consommateur et juteux pour eux, Orange, SFR et Bouygues Telecom ont vu d’un très mauvais œil l’arrivée de ce nouvel acteur qui voulait bousculer les codes et rendre du pouvoir d’achat aux français.

Très rapidement, Niel est devenu l’homme à abattre pour les mastodontes de la téléphonie qui dénigraient – entre autres – la qualité des services low-cost que Free proposait.

Mais avec ses forfaits mobiles à prix cassés, son franc-parler, ses coups de gueule (et même son passé sulfureux), Xavier Niel a bénéficié du capital sympathie du public. Et ce, alors que ses détracteurs lui ont savonné la planche à de multiples reprises.

Résultat ? La marque a cartonné. Même si l’opération de sape des concurrents au regard de la qualité du service de Free est encore très ancrée dans l’esprit du grand public.

Xaviel Niel personal branding

Les dangers de s’appuyer sur une personne réelle dans une stratégie de personnification de marque

Quand on s’imagine ce que George a ramené à Nespresso, la personnification de marque semble – à première vue – une excellente idée.
Surtout si on veut travailler un branding qui marque durablement les esprits et qui permet de vendre plus facilement son produit.

C’est très probablement ce que se sont dit M6, Emmaüs, Apple, The Family et bien d’autres…

L’image publique peut-être incontrôlable

Lorsqu’une marque repose sur une personnalité, elle devient dépendante de ses actions et son comportement. Et quand la personnalité est l’objet d’une controverse, ça part rapidement en cacahuètes…

Plaza, du gendre idéal au scandale

Perçu comme l’agent immobilier préféré des Français, Stéphane Plaza Immobilier (SPI) a construit une marque solide autour de son nom. On parle d’un « petit » empire de 125M€ et de plus de 600 agences. En 2019 SPI est même élue marque préférée des Français et reçoit en 2022 le prix d’agence immobilière de l’année. Après seulement 7 ans d’existence.

Mais en 2023, des accusations de violences conjugales ont terni la réputation de Plaza et indirectement celle de ses agences immobilières. M6, qui avait largement capitalisé sur sa personnalité, se retrouve dans une position délicate et tout le réseau d’agences est fragilisé. Et même si Stéphane Plaza, avec ses 25% du groupe, ne risque pas grand-chose (financièrement) dans cette potentielle chute, ce sont les franchisés qui risquent gros.

Ce cas illustre parfaitement le danger d’une trop grande porosité entre une marque et une personnalité publique. Si la réputation de cette dernière est souillée, c’est la marque qui peut être entachée durablement.

Musk, quand l’atout devient boulet

Si Elon Musk a largement contribué à la notoriété de Tesla, son comportement impulsif et ses déclarations controversées ont fragilisé la marque. Ses prises de position sur X, ses polémiques politiques et ses décisions discutables (comme le rachat de Twitter lui-même) ont souvent provoqué des baisses du cours de l’action Tesla. En Europe, l’aversion au PDG est grandissante et les ventes s’effondrent.

Tout n’est bien évidement pas lié à la personnalité de Musk. Certains diront que les modèles de la firme sont vieillissants et que c’est pour cette raison que la marque recule. Certes. Mais force est de constater qu’un PDG trop médiatisé (et controversé) et une personnification de marque trop importante peuvent devenir une menace pour la stabilité d’une entreprise.

Quand la personnalité disparait, la transition est délicate

Lorsque l’image d’une marque repose sur une personnalité, son départ ou sa disparition est problématique.

L’exemple le plus flagrant est celle de Steve Jobs qui incarnait Apple.
À sa disparition en 2011, de nombreux analystes ont prédit le déclin de l’entreprise. Et bien que Tim Cook assure la continuité de la firme, les fans soulignent qu’Apple est bien moins innovant depuis que Jobs n’est plus aux manettes.

Quand une marque est trop liée à une personne elle doit également anticiper sa succession pour éviter un vide d’identité.

Les risques liés aux scandales et aux fraudes

Lorsque la réputation d’une marque repose sur une personne, un scandale peut provoquer un effondrement immédiat de sa crédibilité.

Madoff, l’illusion qui s’effondre


Bernard Madoff avait bâti sa société d’investissement (BMIS) sur son image d’expert financier respectable. Mais lorsqu’il a été arrêté en 2008 pour avoir orchestré la plus grande fraude financière de l’histoire, son nom est devenu synonyme d’escroquerie.
Résultat ? Non seulement sa société a disparu mais ses 500 salariés se sont retrouvés sur le carreau avec une vilaine tache noire sur le CV.

Le rebranding de la Fondation Abbé Pierre

Je ne vais pas m’appesantir sur le sujet tant il a fait la une des médias récemment. Mais Emmaüs et la Fondation Abbé Pierre ont renoncé à utiliser l’image et/ou le nom de l’homme dans leur communication. Pire, les fondateurs et donateurs se sont senti trahis.
La confiance va être dure à (re)gagner.

Abbé Pierre et personnification de marque scandale

Oussama Ammar et The Family

Oussama Ammar fonde The Family (un incubateur d’entreprises) en 2013 avec 2 acolytes plutôt discrets. Avec sa prestance, son franc-parler, son côté très cartésiens et toujours affublé de Converse dépareillées il incarne la start-up Nation à la Française. Il se pose comme la figure de proue de The Family qui connait un succès grandissant. Sauf que le « gourou de la tech » aurait détourné les fonds des investisseurs entrainant The Family dans une descente aux enfers jusqu’au placement en liquidation judiciaire.
Une fraude qui coûte cher…

Le personal branding : la fausse bonne idée ?

Tout le monde vous dira que bosser son personal branding est la clé du succès pour tout entrepreneur. Moi la première. Mais les exemples ci-dessus démontrent les limites de cette stratégie.
Si la personnification de marque peut être une stratégie efficace, elle est aussi extrêmement risquée. Une personnalité publique est imprévisible, faillible et elle peut nous quitter du jour au lendemain. Une erreur, une controverse ou un changement de perception peuvent détruire une marque en un instant.

L’alternative pour personnifier la marque : le personnage fictif

Contrairement aux figures humaines, les mascottes et autres personnages fictifs offrent un contrôle total sur leur image. En plus, ils sont adaptables, évolutifs et leur longévité est infinie. Et comme pour les personnalités publiques, ils renforcent le sentiment de proximité et de reconnaissance de la marque qui les utilise.

Un contrôle total sur l’image

L’un des principaux avantages d’un personnage fictif est qu’il appartient entièrement à la marque. Il reste fidèle à son image et peut évoluer en fonction des besoins marketing de la marque.

Monsieur Propre, une icône intemporelle

Créé en 1958, Monsieur Propre est l’exemple parfait d’une mascotte réussie. Il incarne la propreté et l’efficacité avec son crâne rasé et ses bras musclés. Et contrairement à une célébrité, il n’a pas pris une ride, il ne change pas d’avis et ne risque pas d’être impliqué dans une polémique. Plus de 60 ans après sa création, il reste un atout clé pour Procter & Gamble.

M&M’s, une personnalisation flexible

Les petits bonbons colorés ont leur propre personnalité et permettent une communication fun et adaptée à chaque époque. Quand les mentalités évoluent, les personnages peuvent s’adapter. Par exemple, en 2023, M&M’s a ajusté le design et l’attitude de ses mascottes pour refléter une image plus moderne et inclusive. Un ajustement impossible à réaliser avec une personne réelle sans susciter de vives réactions. Un autre exemple : le bibendum Michelin qui a, lui aussi, eu droit à son petit lifting…

Une communication pérenne et adaptable

Un personnage fictif peut traverser les époques sans être affecté par les tendances ou les changements de direction d’une entreprise. Il peut évoluer en douceur, sans rupture brutale avec son image initiale.

Haribo et son univers enfantin


Haribo ne repose sur aucune personnalité publique, mais plutôt sur une identité forte : un monde joyeux et coloré. Le célèbre slogan « Haribo, c’est beau la vie, pour les grands et les petits » est porté par des personnages animés et des enfants souriants. Résultat : une image positive, intemporelle et déconnectée des aléas du monde réel.

Ronald McDonald, un visage reconnaissable partout


Bien que McDonald’s ait réduit l’utilisation de Ronald ces dernières années, ce clown est resté pendant des décennies le visage de la marque. Il pouvait être utilisé dans différentes cultures et contextes, sans qu’un scandale personnel ne vienne ternir son image.

Une meilleure appropriation par le public

Les personnages fictifs peuvent être adoptés par plusieurs générations sans provoquer de rupture. Contrairement aux personnes publiques qui vieillissent ou changent de statut, les mascottes restent constantes et peuvent être adaptées sans heurt.

Tony le Tigre (Kellogg’s Frosties)

Depuis les années 1950, Tony le Tigre incarne l’énergie et la positivité associées aux céréales Frosties. Il traverse les époques sans perdre en popularité, s’adaptant aux tendances de communication sans jamais risquer un bad buzz.

La Vache qui rit, une icône qui se modernise sans difficulté

Depuis plus de 100 ans, La Vache qui rit est un personnage familier des consommateurs. Son design a évolué, mais son identité est restée intacte. Contrairement à une personne réelle qui pourrait être contestée ou dépassée, elle continue de séduire petits et grands sans interruption.

Branding et personnage fictif

Pour une identité forte sans courir les risques liés aux personnalités publiques, les personnages fictifs présentent une alternative idéale à toutes les marques qui souhaitent se démarquer.
Ainsi, plutôt que de parier sur une figure humaine, une marque a tout intérêt à se créer son propre ambassadeur virtuel. Après tout, Monsieur Propre ne risque pas d’être accusé de tweets déplacés, ni la Vache qui rit de faire un burn-out médiatique.
Et si vous avez besoin qu’on vous aide, vous savez quoi faire 👇

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