Quand le storytelling atteint ses limites

par | Mis à jour le 06/07/2020 | Publié le 10/03/2020 | Content Marketing

Vous êtes sans doute comme moi. J’achète plus facilement un produit si on me l’a recommandé. Cette recommandation, je l’obtiens par mes proches (les bonnes copines en qui j’ai confiance parce qu’elles connaissent mes goûts) ou en lisant les avis clients sur net. Plus les avis sont nombreux et positifs, plus je vais me laisser tenter.

J’aime les histoires. Pas vous ?

Une chose que j’aime particulièrement, c’est lorsque la marque, le produit, me racontent une histoire. Plus que des arguments purement commerciaux, je préfère que le produit soit mis en scène. Je suis restée une grande enfant…

Chercher à séduire le consommateur

Les marques l’ont bien compris, beaucoup ont adopté la méthode du storytelling. Quand on veut lancer une marque ou un produit innovant, on va justement chercher à séduire une catégorie particulière de consommateurs. Les innovateurs (adeptes des nouveautés, ils réalisent leurs achats sans avoir besoin de consulter les avis d’autres utilisateurs) et les premiers-adeptes (early-adopters, qui se laissent rapidement séduire par la nouveauté et aiment donner leur avis). Ensemble, ils représentent environ 15% des consommateurs. C’est grâce à eux qu’une marque naissante va pouvoir construire sa notoriété pour ensuite se développer en masse. 

—> si vous souhaitez en savoir plus sur les types de consommateurs et la courbe de l’innovation, cliquez ici.

Mais pour être identifié par ces innovateurs et early-adopters, il faut élaborer la stratégie de communication qui convient.

Et comment toucher cette cible ?

Avec le storytelling !

En montrant que votre produit ou votre marque répond à un besoin vital et que la solution que vous proposez est incontournable. Pour atteindre cet objectif, il n’y a rien de mieux qu’une belle histoire.

Mais gare au retour de bâton si l’histoire tourne au fake news…

Le storytelling, c’est quoi ?

Selon définitions-marketing, le storytelling est le fait de raconter une histoire à des fins de communication. Il consiste donc à utiliser une histoire plutôt qu’à mettre en avant des arguments factuels de marque ou de produit.
La technique du storytelling doit normalement permettre de capter l’attention, de susciter l’émotion, de travailler la personnalité de marque et favoriser la mémorisation.

Elle peut aussi être utilisée pour élever la marque à un rang de mythe avec des histoires réelles (mythe du fondateur) ou créer des histoires imaginaires liées à la marque ou au produit.

En clair, le storytelling répond aux questions suivantes :

  • Pourquoi j’ai créé ce produit, cette marque ?
  • En réponse à quel besoin / problématique ?
  • Qu’est-ce que mon parcours / mon environnement / mon expérience / mes compétences apportent dans la solution que je propose ? Etc. Etc.

Une démarche constructive dans la plupart des cas. Sauf que.

Sauf que, pour qu’une histoire soit bonne, elle doit susciter de l’émotion. Et pour puiser dans le registre émotionnel, certains n’hésitent pas à faire, consciemment ou non, des erreurs qui peuvent avoir l’effet inverse à celui escompté.

On en rajoute un peu par ici, on enjolive une peu par là… Et, lorsque les faits contredisent l’histoire, c’est comme le Père Noël, on n’y croit plus du tout.

Quand le conte de fées vire au cauchemar

C’est exactement là où je voulais en venir.

Pour embarquer le public dans une histoire, il est tentant de l’enjoliver. Je m’explique avec deux cas qui ont fait parler d’eux : Respire et Frichti.

1/ Respire : Déo et débat*

Storytelling de Respire : la co-fondatrice raconte qu’on lui a découvert une tumeur bénigne et que les médecins l’ont alertée sur les déodorants qu’elle utilisait. Elle a cherché sur le marché des déodorants inoffensifs pour la santé, efficaces et soucieux de l’environnement et n’en a pas trouvé. Alors elle a décidé de le créer.

A première vue, l’histoire est super efficace :

  • la marque est incarnée par la co-fondatrice (aka : c’est une histoire vécue, donc vraie et sincère), 
  • elle répond à un problème (la tumeur/le cancer/ne pas se mettre des cochonneries sur la peau),
  • elle apporte une solution innovante (des déodorants naturels, non toxiques pour le corps et la planète, qu’elle a développés car elle n’en a pas trouvé sur le marché).

La caution morale : l’atout crédibilité

Pour apporter sérieux et crédibilité, la co-fondatrice utilise également une caution morale : l’avis d’un expert. En l’occurence un médecin. Il renforce la crédibilité de l’histoire et augmente le registre émotionnel. Ici, il s’agit de la peur de la maladie.

Dans les faits, l’engouement que Respire a suscité au moment de sa campagne de crowdfunding souligne à quel point l’histoire de la co-fondatrice a suscité l’intérêt.

Oui mais.

Moins d’un an et demi après le lancement du premier déodorant, et après le lancement d’une gamme pléthorique de nouveaux produits, les consommateurs s’interrogent. Ils s’en émeuvent sur les réseaux sociaux. Parfois sous la forme de questions ouvertes à la marque, parfois de manière bien moins sympathique.

Car en analysant un peu plus profondément la sémantique de ce storytelling, on constate que l’histoire de Respire n’est pas si transparente.

Quand le choix des mots devient pénalisant

Premier exemple : l’utilisation du terme « tumeur bénigne ».

Le choix du mot « tumeur » – associé à cancer dans l’univers collectif – ne me semble pas anodin. Pour capter l’attention il a fallu « frapper fort » et utiliser des mots lourds de sens.

« Tumeur » est un mot qui conditionne. On est dans un univers pavlovien : « tumeur » alerte, émeut, intéresse et suscite l’attention. Si, à la place, la co-fondatrice avait utilisé le véritable nom de sa « tumeur bénigne » (par exemple : polype, grain de beauté, kyste, fibrome, etc. – il y en a des centaines), il y a fort à parier que l’impact n’aurait pas été le même.

Second exemple : des déodorants naturels, non toxiques pour le corps.

Respire a insisté sur le fait que ses déodorants ne contenaient pas de sels d’aluminium. Cependant, la marque a joué sur un amalgame assez classique entre déodorants (qui ne perturbent pas l’écoulement de la sueur et ne contiennent pas de sels d’aluminium) et antitranspirants (qui contiennent des sels d’aluminium pour bloquer l’écoulement de la sueur). En proposant des déodorants sans sels d’aluminium Respire a joué avec cette confusion et les peurs du public.

Dernièrement Respire a fait l’objet de critiques. Notamment sur LinkedIn dont certains membres dénoncent ce storytelling plutôt flou.

La co-fondatrice a même dû écrire un communiqué pour s’expliquer sur certains points reprochés à la marque. Un dimanche.

—> si vous voulez voir le communiqué, le voici !

Notre avis sur ce cas

Le choix des mots conditionne votre stratégie de communication. Il est recommandé, nécessaire même, d’être totalement honnête et d’appeler un chat un chat. Sur-jouer l’émotionnel est à proscrire. L’utilisation du storytelling est un réel avantage s’il est vrai, sincère et transparent. Dans le cas contraire, les retombées peuvent vite devenir très contraignantes à gérer. « La forme c’est le fond qui remonte à la surface » disait Victor Hugo…

2/ Frichti : une polémique qui part en roue libre

Autre cas que je souhaitais analyser, bien plus compliqué à gérer que le faux-pas de Respire, c’est celui de Frichti.

Storytelling de Frichti : Les fondateurs ont imaginé Frichti car ils en avaient marre de mal manger au quotidien. Ils ont imaginé un lieu où ils pouvaient réunir et cuisiner les meilleurs produits et les livrer de la manière la plus efficace possible. Au meilleur prix et en prenant en considération le bien-être de leurs « livreurs de bonheur ».

Un storytelling efficace

Ici aussi, à première vue, le storytelling est efficace:

  • la marque est incarnée par les fondateurs, couple dans la vie comme au bureau. Ils représentent leurs clients cible : un couple/famille, qui travaillent et qui n’ont pas le temps de passer 30 minutes à chaque repas pour préparer la tambouille. Ni même faire les courses.
  • Frichti répond à un problème : comment bien manger au quotidien ?
  • Frichti propose une solution : on cuisine pour vous des plats de tous les jours, qu’on vous livre à des prix super raisonnables avec des livreurs salariés.

La marque a été lancée par le couple fondateur à l’été 2015 et s’est très rapidement imposée comme un acteur de référence de la FoodTech française. Prenant à contre-pied les controversés Ubereats et Deliveroo avec son offre différenciante : une cuisine intégrée, des livreurs salariés.

Un positionnement adapté

Sur ce dernier point, les fondateurs ont régulièrement communiqué. Pour eux, le livreur est le seul contact de la société avec le client. Il est donc au centre de la relation, c’est un maillon fondamental de la chaîne. Il doit donc être totalement intégré à l’organisation. Les livreurs sont les ambassadeurs de la marque, Frichti les embauche en CDI.

A cette époque le scandale Ubereats venait d’éclater…

Quand ça déraille…

Un jour, un de ces « livreurs de bonheur »décide de raconter ses conditions de travail sur Facebook et sur un blog de Médiapart. Son témoignage est partagé des dizaines de milliers de fois sur Facebook : son statut n’est pas celui d’un salarié mais d’un auto entrepreneur. Et il explique la réalité de ce métier.

C’est la douche froide chez les clients. Car beaucoup d’entre eux avaient choisi Frichti pour cette raison-là justement : une entreprise engagée et humaine qui, contrairement aux multinationales, prenait soin de ses livreurs en vrai. Et pas seulement sur le papier.

Les critiques fusent sur tous les réseaux sociaux. La polémique enfle. Frichti fait profil bas, attendant que l’orage passe. D’ailleurs si vous faites une recherche sur internet, vous verrez le nombre d’articles dédiés à ce sujet !

Notre avis sur ce cas

Pour faire face à la croissance ultra rapide de la société, les fondateurs ont dû revoir leur copie et leur mode de fonctionnement. Quelques temps après la polémique, la fondatrice est intervenue sur BFMBusiness. Elle a expliqué très clairement pourquoi Frichti avait choisi de revenir sur le statut de ses livreurs.

Si Frichti avait communiqué de manière transparente et expliqué bien avant ce changement de cap, ce lynchage médiatique n’aurait certainement pas eu lieu. Du moins pas comme ça.

En conclusion

Le storytelling permet de raconter votre histoire, pas des histoires. Optez pour le truthtelling : soyez transparent, réaliste et limpide dans votre communication. Si vous devez changer de cap, si vous vous êtes trompé, si vous sentez que certains points ne sont pas totalement compris par vos clients/prospects : il suffit d’ anticiper et expliquer.

Personne ne vous reprochera d’être honnête.

Et si vous voulez que nous vous accompagnions dans votre démarche, contactez-nous !

*titre repris du communiqué réalisé par la co-fondatrice de Respire 

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